don't you know its gonna make me go blind

Publié le par Tzvetan Liétard

Monsieur Lazhar, adepte de la dictée, lit l’énigme du retour de Dany Laferrière. C’est de ce livre que j’ai extrait la première dictée que j’ai jamais faite faire. J’aime y entendre différentes approches du français (celui du professeur exilé et algérien interprété par Fellag dans un québec enneigé). On y apprend que le carré de rice crispies est une sorte de baklava québécois. Il n’y a pas de certitude, mais une volonté commune chez les professeurs d’aider les enfants à dépasser le traumatisme probablement subi à cause du suicide de leur institutrice. Bachir Lazhar semble dépassé par les méthodes auxquelles les profs de ma génération (et même de celle d’avant) ont pourtant été formés. C’est un décalage que j’observe d’ailleurs en Serbie dans un sens opposé. Le film ne prend pas position. Les deux approches sont respectées quand elles donnent des résultats. Malgré leurs problèmes, les enfants semblent bien sages et bien peu turbulents.

Les ados de The We and the I ressemblent à ceux d’Entre les murs et de la journée de la jupe moins une autorité le plus souvent professorale. Livrés à eux mêmes ils sont insupportables. C’est-à-dire qu’on préfère les observer d’un fauteuil de cinéma (où j’étais tout seul !) qu’in-situ. Les gamins sont tellement moches et le film tellement scénarisé et peu enchanteur qu’on pourrait qualifier ce dernier de naturaliste (je viens de lire un Zola). J’ai du mal à imaginer qu’il y ait si peu d’écoles dans le Bronx pour que le trajet puisse durer si longtemps. Un gag en une planche de Germain et Nous (de Janin) raconte une histoire similaire sous les yeux du rigolard Germain : une bande d’ados (âge collège) rentre en foule, fout le bordel, se décompose en quelques cases au fur et à mesure que le bus se vide, laisse le dernier de la bande gêné de tout ce dont il n’avait pas conscience face à une foule au regard fâché. Le film, plus long (la nuit a le temps de tomber), plus romantique (en fin d’année, ce qui a eu du mal à s’exprimer pendant l’année trouve parfois une issue ici). Les ados sont quand même sympathiques : la rupture occasionnée par chacune des descentes du bus donne l’impression que le personnage meurt, puisque le dispositif implique qu’on ne le reverra plus que par flashback (les vidéos de téléphone ou I phone, etc).

Dur de choisir un film. Cherchez Hortense, à cause de Jean-Pierre Bacri et d’un personnage au nom à consonnance yougoslave. J’aime bien voir des rapports, ou au moins des visions franco-yougoslave et ici, le simple fait de mentionner une Serbe de Croatie sans s’étendre sur ce que cela signifie me plaît car cela implique une certaine complexité sans trop s'y étendre. D’ailleurs je me souviens que dans l’autre film de Bonitzer que j’ai vu (rien sur Robert) il est aussi question d’une vision française caricaturale : le personnage de Lucchini fait la même erreur que Finkielkraut avec un article assassin au sujet d’un film qu’il n’a pas vu (underground, Kusturica pour F., peu importe pour le personnage de Lucchini). Le personnage de Lucchini se fait d’ailleurs tancer sévère par Michel Piccoli en colère pour le principe, non pour la situation qu’il n’a pas cherché à comprendre (« un film bosniaque, ou serbe, peu importe… »). Une petite conversation serbo-polonaise m’a rappelé que j’ai pu baragouiner quelque chose avec des Polonais à Gallieni : le slave est une langue pratique.

Comparé aux autres films de Hillcoat, Des hommes sans loi semble moins construit globalement (les séquences le sont). Il y a beaucoup de chose à y prendre. Shia LaBeouf et Tom Hardy sont crédibles en frères. Ce que la promo vendait valait le coup : les grognements de Hardy et la version bluegrass de White Light / White Heat.

Dans Killer Joe, il y a du sexe, de la violence et de la perversion inventifs (parfois). Ce n’était donc pas ennuyeux. Il y a aussi de putains de plans avec des arrières plans vachement net. Ce n’était donc pas moche. Il y a des rapport de domination et des personnages foutus qui se débattent quand même. C’était donc un film noir débarrassé de sous-entendus moraux, à part un drôle de symbole avec une cuisse de poulet qui laisse présager un traitement plus explicite dans trente ans (j’ai hâte). Dans la liste du très peu de films que j’ai vu avec Matthew McConaughey, j’avais oublié de mentionner Edtv duquel j’ai surtout retenu sa ressemblance quasi fraternelle avec Woody Harrelson.

 

Dans le bus

Parada était une variation étonnante sur le thème des Sept samouraîs. D’abord, les personnages à protéger étaient des gays organisateurs d’une gay parade à Belgrade, capitale d’un pays notoirement homophobe (mais pas le seul, mais quand même). Ces personnages semblent traités caricaturalement. Ensuite, le premier recruté pour ce boulot est un Četnik plein de tatouages (dont un portrait de Draža Mihailović), violent, criminel impliqué dans la guerre comme sniper. C'est un personnage grotesque et relativement effrayant (il ne donne paradoxalement pas l’impression d’être spécialement caricatural). Amené pour des raisons sentimentales à accepter de protéger cette parade, il se voit lâché par ses collègues tout aussi homophobes (en tout cas plus homophobes que cupides). Il se résout donc à recruter des amis un temps ennemis du temps de la guerre de 92-95 (un oustasha, un balija et un Shiptar). Bien qu’il traite de thèmes à haute-tension, on a finalement un film très politiquement correct, programmé pour faire un succès grand public. Des six Républiques de l’ex yougoslavie, cinq ont donné des sous.

Dans Pêche en eaux troubles on voit Belgrade, Novi Beograd notamment, et le Danube.

 

 

Monsieur Lazhar, Philippe Falardeau, 2011

The We and the I, Michel Gondry, 2012

Cherchez Hortense, Pascal Bonitzer, 2012

Lawless, John Hillcoat, 2012

Killer Joe, William Friedkin, 2012

Parada, Srđan Dragojević, 2011

Lov u mutnom, Vlastimir Radovanović, 1981

 

Pas de notice cette semaine.

 

Noël Simsolo, auteur d’un livre sur le film noir, a aussi signé le seul long entretien jamais réalisé avec Sergio Leone. C’est bien. Le personnage est marrant. On porte un regard sur des noms devenus familiers depuis qu’on regarde des films (Zinnemann, Wyler, Walsh). On voudrait en lire d’autres, des comme ça.

Conversation avec Sergio Leone, Noël Simsolo, Stock Cinéma, 1987, rééd. Petite bibliothèque des cahiers du cinéma, 2006

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L
<br /> c'est pas croyable, toutes ces erreurs de langue.<br />
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T
<br /> <br /> plates excuses et grosse honte... 'faut que je me relise mieux. Je viens d'en corriger une demi-douzaine sur cette note. Je relirai encore.<br /> <br /> <br /> Merci pour l'attention, lecteur.<br /> <br /> <br /> [j'ai relu ce commentaire, pourvu qu'il n'y ait pas d'erreur]<br /> <br /> <br /> <br />