Compartiment tueurs, Sébastien Japrisot, 1962

- Vous connaissez Sébastien Japrisot ?

- Moi, j’ai vu un bout de l’Été meurtrier*, un soir, chez Olivier.

- Moi, je n’ai pas vu Un long Dimanche de fiançaille**.

- Moi j’ai vu Adieu l’ami***, avec Alain Delon et Charles Bronson.

- Moi je n’ai pas vu Compartiment tueurs****, pourtant j’aime bien Costa-Gavras.

- Compartiment tueur, c’est aussi un roman. Ça se passe dans un train.

- Ah oui, comme le Crime de l’Orient Express°, avec des coups de théâtre.

- Ah oui, comme la Maldonne des sleepings°°, c’est réaliste et haletant.

- Ah oui, comme la Мodification°°°, c’est assez expérimental.

- Oui, un peu comme tout ça. Mais dans Compartiment tueurs, les scènes du train sont en flash-back, puisque le livre raconte l’enquête et les suites du meurtre qui est découvert au début du roman.

     Le jeu des voix narratives et la structure du roman, simples et efficaces, provoquent un effet souvent lourdingue ailleurs et réussi ici. Il y a beaucoup de détails insignifiants dont on croit qu’on ne se souviendra pas et qui s’imposent à la fin. Ça fonctionne très bien sans que ce ne soit appuyé. À aucun moment, l’auteur ne dit "souvenez-vous, c’était à la page 42....". À la rigueur, on est même pas obligé de s’en souvenir. Mais comme on a suivi les enquêteurs tenter de voir quelles pièces rentrent où, comme on s’est posé pas mal de questions, on a fini par faire des rapprochements qui n’auront jamais été que suggérés.

     Les enquêteurs demandaient ainsi aux témoins de se souvenir de détails insignifiants qui puissent mettre sur une piste. Ces détails émergeront à la mémoire du lecteur le moment venu, et il se sentira intelligent. Vous en connaissez d’autres, des livres comme ça ?

* Film de Jean Becker, 1983

** Film de Jean-Pierre Jeunet, 2004

*** Film de Jean Hermann aka Jean Vautrin, 1968

**** Film de Jean Costa-Gavras, 1965

° Agatha Christie, 1934

°° Tonino Benacquista, 1989

°°° Michel Butor, 1957