Austerlitz (2)

Publié le par Florian

          Ça n’avait pas traîné. Gare d’Austerlitz, il était facile de repérer parmi les badauds trois anciens collègues de la maison poulaga, au profil banal, sauf Arsène que je connaissais de ce temps-là. Scrutant les descentes des passagers, ils devaient attendre quelqu’un qui ne les attendait pas. Moi, peut-être. J’allais en avoir le cœur net.
-          C’est peut-être moi que vous cherchez ?
-          Circulez ! fit un grand, probablement vexé d’avoir été reconnu.
-          Héla, doucement ! Il était en train de poser ses sales pattes sur moi.
-          Laisse, lui dit Arsène. C’est un copain. Pourquoi qu’on te chercherait ?
-          Parce que je vous manquerais ?
-          Tu as tué quelqu’un ?
-          Je suis innocent, je ne connaissais même pas la victime.
-          Héhé, fit Arsène, jovial malgré la grisaille de janvier. Mes blagues laissaient les deux autres froids. Ils continuaient leur scrutation. Non, c’est pas toi qu’on cherche. Et puis même, on saurait où te trouver.
-          Sans déconner vous attendez qui ? Lys Gauty ?
-          Un trafiquant ordinaire avec une marchandise moins ordinaire.
-          Le voilà ! nous informa le deuxième.
          J’assistais à l’appréhension du citoyen en question ainsi qu’à une perquisition tatillonne des poches du sus-nommé. Bredouilles, les compères ont quand même procédé à l’arrestation de l’individu qui ne s’est même pas débattu, apparemment étonné de l’intérêt qu’il suscitait.

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          J’ai trouvé sur mon paillasson la convocation signée par le commissaire Terrasson. De deux choses l’une : ou bien il a paraphé sans regarder, ou bien il n’a pas pu déléguer.
-          On signe les convocations avant de les attribuer, me répondit-il au commissariat du 11ème. C’est pour gagner du temps, pour avoir un rendement plus efficace. La police continue à faire des progrès. C’en devient effrayant.
Je sais de quoi il parle. Lui et moi avons servi dans les premières brigades mobiles. À propos :
-          Des nouvelles de Valentin ?
-          Il continue une carrière parallèle à la mienne dans un autre commissariat. On peut pas dire qu’on s’interfère mais, bon on continue de se voir.
-          C’est le commissariat du 11ème qui s’occupe des meurtres de bellifontains à Moret ?
-          Pas précisément, mais on n’allait pas te faire faire un si grand voyage pour des questions d’usages. Tu connaissais la victime ?
-          Jamais rencontré. On est entré en contact épistolairement. Voilà la lettre.
-          Plutôt évasif. Fontainebleau a trouvé ta réponse dans son portefeuille. Et bien sûr, tu n’as rien remarqué …
-          Rien. Autre chose ?
-          La paperasserie habituelle. Tu signes ça, ça et ça. Tu salueras Paco pour moi.


          Je le saluerai. Mais pas ce soir. J’ai rendez-vous dans un autre bistro rue Charcot. Il fallait que je rende au larron de la gare le paquet qu’il m’avait confié dans avant de se faire serrer par Arsène et ses collègues.

Publié dans Feuilleton

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