Comme un crabe déjà mort, tu t'ouvrais entre mes mains

Publié le par Tzvetan Liétard

Le thème de la semaine devait être les séries de cinéma dont j'avais déjà vu un épisode. Charlton Heston, Dirty Harry, Nick and Nora Charles, Phibes, Dean & Jerry, Audiard, Hitchcock, Django... En fait, ce sont les questions de pouvoir, de justice et d'utopie qui ont été traitées. Accessoirement, la réception de la bande-dessinée par certains films.

 

Mais tout d'abord, cette semaine, Jean-Pierre Marielle et Jean Rochefort se sont cachés (pas longtemps) dans le public:

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La Banquière m'a rappelé ces coproductions, d'ailleurs, la présence d'Ennio Morricone et de Romy Schneider lui en donne des allures. On a repéré au début le petit Louis-Ferdinand Destouches, dont la mère tenait une mercerie dans le passage Choiseul. Nous n'avons pas lu Mort à Crédit, mais Michel Polac nous a présenté le lieu dans cette émission consacrée à Céline.

La Planète des singes est plein d'imperfections, de choses qui semblent ne pas pouvoir fonctionner, d'énormes coïncidences que le livre aténue quelque peu (je l'ai lu justement au moment où nous avions appris Pythagore, en cinquième). Peu importe, ce film philosophique, scénarisé par Claude Levi-Strauss, se regarde comme un film de procès, une pièce de théâtre.

Nous avions déjà regardé Magnum Force ensemble et je dois dire qu'à l'époque, tout comme Bullit, il m'est un peu passé au dessus de la tête. Je n'en avais pas retenu grand chose. Je n’avais même pas reconnu Felton Perry que je connais depuis Robocop. Cette fois-ci, il m'a beaucoup plus intéressé. Le film sert à rendre la position de Harry plus complexe, et à le distinguer par exemple du Batman de Frank Miller.

Il est facile d'identifier Ni pour, ni contre (bien au contraire) comme un film de Cédric Klapish. J'ai cru comprendre à l'époque de Peut-être qu'on lui reproché d'avoir fait un film de science-fiction sans en avoir, sinon la culture, du moins l'amour. C'est peut-être la même chose ici pour le genre policier. L'auteur mets plein de Klapisheries (des notes d'humour décalées qui font toujours sourire) dans un genre qui peut aller dans tous les sens (naturalisme, réalisme social, stylisation à outrance, esthétisme) mais peut-être la rencontre est-elle trop superficielle, la rencontre entre la vie et le genre, les anecdotes de la vie quotidienne et les morts violentes et improbables. Le titre qui parmi ceux de Klapish sonne le plus comme une comédie (qui fait écho à la conclusion de ce qui me meut) contribue à brouiller les pistes. Parmi les réussites, due autant à l'écriture qu'à l'interprétation, mentionnons les personnages de Simon Abkarian et Zinédine Soualem.

L'Ombre de l'introuvable confirme ce dont je me suis aperçu la semaine dernière : je deviens à bon à repérer le méchant, quand c'est le type sympathique qui demande de faire quelque chose (genre « conduis » ou « laisse-moi conduire ») ou quand il trouve un indice déterminant (mais faux). Nick Charles et Harry Callahan vivent au même endroit )(San Francisco) à trente ans de différence. Mais on a un peu peur quand après Magnum Force on voit ceci :

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Dans Le retour de l'abominable Dr. Phibes, on retrouve des raisons d'aimer le premier (les meurtres inventifs et donc l'humour noir, ce qui nous suffit), on en retrouve moins d'autres (comme on a vu le premier, Phibes n'est plus trop mystérieux et beaucoup plus bavard).

Les parties de La deuxième partie de naissance d'une nation ne mettant en scène que des blancs font penser à du Verhoeven, celles ne mettant en scène que des noirs à un film de zombies ou au Jud Süß (que je n'ai pas vu). Le tout a un air de Planète des singes suspecte. En effet, les blancs et les noirs sont présentés comme des espèces incompatibles. Certains noirs ambitieux (beaucoup veulent bien ne rester que des esclaves) veulent vampiriser les blancs en se mariant. Même les blancs les plus favorables à l'égalité des droits trouvent inacceptable l'idée d'un mariage mixte. Et tout cela doit convaincre que la guerre (entre les blancs) n'est pas bien. L'éducation à l'image a fait du progrès. Sidney Poitier, Melvin van Peebles, il était temps que vous arriviez. On le regarde en se disant que deux fois plus de temps s'est écoulé entre ce film et aujourd'hui (100 ans) qu'entre le film et les évènements décrits (50 ans). Les membres du Ku Klux Klan faisaient probablement tenir leur cagoule avec un débouche chiotte.

J'avais choisi de regarder Artistes et modèles parce que cette image se trouvait dans un super livre dont je causerai peut-être.

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Malgré le machisme dégoulinant de Dean Martin ou le crétinisme nasillard de Jerry Lewis, on se laisse séduire par la couleur, la musique et Shirley McLaine. Ce film décrit le monde de la bande-dessinée dont les auteurs sont des artistes frustrés. D'ailleurs, ils engagent (ha ha ha) des modèles pour dessiner, quoi, la couverture ? chaque case ? Contrairement à ce que prétend l'affiche, les artistes sont autant les femmes que les hommes, et itou pour les modèles. Shirley McLaine est épatante. Elle me rappelle quelqu’un, mais qui ?

Mort d'un pourri aussi comporte un personnage de dessinateur-de-bande-dessinée-qui-voudrait-se-remettre-à-la-peinture. C'est mon Delon du genre préféré. Ayant en tête ce film au visionnage de l'émission qui suit, Lautner est clairement un metteur en scène. Quand Klaus Kinski parle de sa vraie voix en français, il a un débit et un timbre assez proche de celui de Trintignant. Il y a aussi Ornella Muti et Stan Getz au saxophone, mais ce n'est pas non plus une coproduction. Il y a un contre-exemple à ce que je disais plus haut au sujet de l'ordonnateur qui distribue les places de voitures. Je voulais montrer le salon de Xavier Maréchal (Delon), je reviens au début quand Philippe Dubaye (Ronet) lance l'histoire. J'aperçois la planche de l'ami bédéaste de Maréchal. Cette ouverture a tout d'un incipit. C'est un peu absurde parce que ce détail est invisible à première vue.

J'en parle car dans cette émission, à la fin Jean-Baptise Thoret parle un peu rapidement en disant qu'en France, on a une approche trop littéraire du cinéma en donnant de mauvais exemples. Le rapport de base entre le cinéma et la musique, c'est le temps (qu'il y ait du rythme ou non, d'ailleurs). En revanche, ce que le cinéma a pris à la littérature, en tout cas quand il s'agit de raconter des histoire, c'est la notion de point de vue (dont les invités n'ont pourtant pas cessé de parler tout au long de l'entretien). Quand Michel Polac, à l'occasion de la sortie de Marienbad, avait demandé à Resnais de quel écrivain il se sent le plus proche, il attendait un nom du Nouveau Roman, (au moins Duras ou Robbe-Grillet). Resnais lui a répondu Zola pour cette raison précise. Encore une fois, c'est certainement par manque de temps que Thoret n'a pas réussi à clarifier son propos. Truffaut, à l'écrit, a pris ce temps, et ça a donné ce pamphlet dans lequel il fait, entre autre, la différence entre la littérature (à même de fournir des idées au cinéaste) et l'approche littéraire (qu'il reproche à Aurenche et Bost et qui consiste à remplacer le prétendu infilmable par un dialogue). Ça mis à part, merci à eux d'avoir partagé cette bonne autopsie de cinéma !

Dans Les cheveux d'or, Ivor Novello = Crispin Glover !

Dans Watchmen,Kovacs ressemble à Harry Callahan en plus petit, plus roux (Harry l'était déjà) et plus sale (Harry pue peut-être mais...). Si le personnage qui était derrière tout ça avait vu quelques-uns des films de cette semaine, il n'aurait pas perdu de temps à ce complot. L'adaptation était très bien faite, et l'absence d'éléments que je regrette (notamment les séances entre Rorschach et le psy) s'explique par le manque de temps. Je me demande comment on peut appréhender ce film sans avoir lu le livre, ce qui pousse à mettre en scène tous ces détails que la majorité ne captera pas (tout comme la planche affichée au début de Mort d'un pourri). Dans une interview, Alan Moore expliquait que l'accumulation de détails et de coïncidences servaient à donner du grain à moudre aux universitaires, à leur permettre de produire de l'analyse. Il a réussi. Le film aussi dans son dialogue avec le livre, les choix scénaristiques intelligents. Sur ce point, il n'y a que deux détails qui ne me satisfont pas. Je me souviens d'un site (dont le texte est reproduit ici) avec des analyses du livre de Moore & Gibbons. Toutes les références que ce site m'avaient apportées ont contribué à ma formation intellectuelle. Il présentait chaque personnage comme une allégorie, un archétype. Je l'avais imprimé et rangé avec mon album de Watchmen, celui traduit par Manchette. D'ailleurs, il paraît que le livre a été retraduit, ont-ils toiletté les "j'veux dire" dont la fréquence passe moins bien que les "I mean" (tout comme les "putain de" passent moins bien que les "fucking" at all end of field – à tout bout de champs). En écoutant la BO qui fait partie de la culture générale et intime de beaucoup d'entre nous, et en remarquant qu'elle était constituée de titres exclusivement américains (états-uniens et Leonard Cohen), j'ai réalisé que, non seulement les États-Unis étaient l'un des sujet de ce film, mais que c'était probablement la seule nation qui peut produire un film si marqué culturellement sans qu'on puisse y voir d'obstacles culturels. Un film français avec que des chansons françaises (sans que c'en soit le sujet, même si dans On connaît la chanson, on pourrait se demander pourquoi avoir exclu les chansons anglophones) ne doit pas éveiller si facilement d'émotions chez un étranger.

Le secret de la planète des singes, ou tout ça pour ça.

Dans L'inspecteur ne renonce jamais, la plus grande accumulation d'infractions aux règles de sécurité. Il y a aussi un débouche-chiotte.

En regardant Django il bastardo, je me suis demandé ce que donnera celui de Tarantino. S'il respecte le genre, je m'attends à y voir Di Caprio assister à un jeu sadique.

 

La Banquière, Francis Girod, 1980

Planet of the Apes, Franklin J. Schaffner, 1968

Magnum Force, Ted Post, 1973

Ni pour, ni contre (bien au contraire), Cédric Klapish, 2003

Shadow of the Thin Man, W.S. van Dyke, 1941

Dr. Phibes rises again, Robert Fuest, 1972

Birth of a Nation, part 2 Rise of the Ku Klux Klan, DW Griffith, 1915

Artists & Models, Frank Tashlin, 1955

Mort d'un pourri, Georges Lautner, 1977

Rafik-monte2, Arrêt sur image, 2012

The Lodger, a story of the London fog, Alfred Hitchcock, 1927

Watchmen, Zack Snyder, 2009

Beneath the Planet of Apes, Ted Post, 1970

The Enforcer, James Fargo, 1976

Django, il bastardo, Sergio Garrone, 1969

 

Les vacances sont finies, la crève s’en va, je retourne au boulot.

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